L’enquête publique : son rôle, son évolution et son avenir.
Une réflexion et un compte rendu liés à notre participation au Colloque organisé par la CNCE le 4 mars dernier, sur « l’Enquête publique et la démocratie de proximité »
Qu’est-ce que la CNCE ?
La Compagnie Nationale des Commissaires Enquêteurs, association de type loi 1901, a été constituée en 1986. Elle regroupe à l'échelle nationale les commissaires enquêteurs de France, y compris des DOM-TOM.
Elle fédère actuellement 43 compagnies régionales ou départementales et compte près de 3100 adhérents.
La CNCE joue un rôle primordial dans l’information et la formation des commissaires enquêteurs et est reconnue comme un interlocuteur privilégié dans le domaine de la consultation publique. Elle œuvre à améliorer les procédures de concertation et de consultation du public et participe très activement aux actions tendant à améliorer l’enquête publique.
Régulièrement la CNCE rédige et édite des manuels pratiques comme le « Guide du commissaire enquêteur » en 1996, le « Guide de l’enquête publique » en 2018 ou encore le manuel des pratiques de participation du public par voie électronique « La dématérialisation de l’enquête publique en 3 clics »
Le nouveau visage de la participation du public
La Loi Essoc, loi du 10 août 2018 pour un État au Service d'une Société de Confiance est une loi française visant à simplifier les relations de l'administration avec les usagers notamment via l'introduction d'un droit à l'erreur et d'un droit au contrôle des administrés.
La Loi Asap est une Loi de l’Accélération et Simplification de l’Action Publique. L’article 25 du projet présenté le 5 février 2020 prévoit, pour les projets soumis à autorisation mais ne nécessitant pas de procéder à une évaluation environnementale, de laisser la faculté au préfet de choisir entre le recours à l’enquête publique – réduite à 15 jours – ou la participation du public par voie électronique – sur 30 jours.
Ces réformes veulent une simplification et une diminution des démarches et des délais et résume la participation du public, pour certains projets, à une simple consultation par voie électronique.
Néanmoins le citoyen lui réclame plus d’informations sur les futurs projets qui concerne son cadre de vie, il souhaiterait mieux comprendre ses aspects techniques et ses enjeux environnementaux.
Il est essentiel, dans ce contexte de défiance et de paralysie de la décision publique, que l’enquête publique continue de se moderniser.
L’évolution de l’enquête publique
• Son rôle premier : L’enquête publique est la seule procédure de participation, juridiquement encadrée, qui permette au public de s’informer sur un futur projet et de formuler des observations ou contre- propositions auprès d’un tiers indépendant : le commissaire enquêteur.
• Ses atouts : L’avantage de l’enquête publique est quelle porte sur un sujet abouti et donc plutôt clair pour le citoyen, elle souligne les éventuelles atteintes à l’environnement et expose les solutions pour y remédier. L’enquête publique est la seule procédure qui sollicite l’avis pertinent et motivé d’un tiers indépendant. Le commissaire enquêteur s’assure de la bonne organisation de la procédure.
Il est important de communiquer, de valoriser le sens et la pertinence de l’enquête publique qui est souvent méconnue ou mal comprise.
La demande de participation des citoyens est forte mais à la condition de simplifier les projets.
Nous évoluons à une époque qui bascule; la démocratie se veut plus directe, elle doit régénérer la démocratie représentative, mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et être complétée par des démarches participatives.
• Les points de blocage de son fonctionnement : L’image de l’enquête publique peut être encore contrastée. Lui sont encore reproché des délais trop longs et des coûts excessifs, le fait que les contributions des citoyens ne soient pas assez prises en compte et que la démarche survienne trop tard. Enfin les dossiers mis à disposition du public paraissent bien souvent trop complexes et doivent être rendus plus lisibles par tous. Les promesses non tenues ont pu également contribuer à abimer l’image de l’enquête publique.
• Les solutions pour la préserver et la moderniser : Nous avons besoin de repenser l’enquête publique, qui doit être perçue comme une démarche encadrée au service des projets et des citoyens.
Le côté réglementaire ne suffit pas à informer sur l’enquête publique, il faut plus d’éléments de communication, de flyers, de supports qui vulgarisent les enjeux et aboutissements du projet.
Si une bonne information de son existence et de son rôle est faite auprès du public alors la procédure de l’enquête publique reprend du sens.
Le rôle du commissaire enquêteur et sa valeur ajoutée
Le commissaire enquêteur est un tiers indépendant missionné et formé par la CNCE qui a pour rôle de veiller à la bonne information du public durant toute la durée de l’enquête.
Pour cela il assure des permanences régulières en mairies afin de recevoir le public. Ainsi il peut apporter des éclairages sur les aspects techniques du projet, aider à la compréhension de celui-ci et accompagner les personnes qui souhaitent déposer une observation.
Le Commissaire Enquêteur doit être neutre et objectif, faire comprendre les enjeux du projet au public et vulgariser ses côtés les plus complexes.
En fin d’enquête, il rédige un rapport analysant les observations et contre-propositions du public et une conclusion dans laquelle il donne son avis personnel et motivé sur le projet qu’il soit favorable ou défavorable.
Perçu comme la pierre angulaire de l’enquête publique le commissaire enquêteur voit son rôle se transformé profondément. Mieux recrutés, mieux formés, leurs statuts d’acteurs de l’enquête publique est une réelle valeur ajoutée.
L’apparition et le développement de la PPVE : outil numérique complémentaire au présentiel
L’ordonnance du 03 /08 /2016 rend obligatoire la PPVE : Participation du Public par Voie Électronique.
Cette nouvelle forme de participation laisse la possibilité à chacun de consulter le dossier d’enquête publique et de déposer ses observations par internet sur un registre dématérialisé.
L’enquête publique peut désormais impliquer un public plus large, plus jeune et plus diversifié. A l’avenir, cette démarche seule ne risque-elle pas de nuire aux démarches présentielles ? Il faut, au contraire, les envisager ensemble pour une participation du public encore plus cohérente et large.
Le but n’est pas de choisir et de rendre exclusif la présence physique ou le numérique. Il faut justement multiplier les démarches, la voie numérique est un complément, un outil qui multiplie le nombre d’observations.
3 effets positifs à l’alliance Présentiel /Numérique :
- Élargit le champ, plus de publics différents
- Approfondir les argumentations, dialogue, appropriation des dossiers
- Évolution des pratiques des Commissaires Enquêteurs
Enquêtes publiques dématérialisées et présentielles sont donc complémentaires.
Conclusion
Pour la préservation et l’avenir de l’enquête publique, il faut améliorer et moderniser sa procédure par une meilleure communication auprès des citoyens et attacher une portée plus importante à l’avis du commissaire enquêteur qui détient un pouvoir d’alerte.
Nous constatons un réel besoin de sincérité dans les intentions de la décision publique et une transformation de la société et de l’environnement qui nous pousse à soutenir les institutions qui existent et qui œuvrent pour de la transparence, du dialogue, de la concertation et de la co-construction.